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Depuis deux ans, des petites lumières rouges se sont mises à clignoter comme autant de signaux d’alerte : la voix de Tom Cruise dans Des hommes d’honneur (1992) de Bob Reiner, donnant sur une courte séquence la réplique en français à Jack Nicholson, grâce aux retouches opérées par des experts en Intelligence Artificielle de Flawless AI, société fondée par le réalisateur anglais Scott Mann. Les mouvements des lèvres des actrices de Fall (2022) du même Scott Mann, modifiés au doublage pour s’adapter à de nouveaux dialogues jugés plus « convenables », via le logiciel True Sync. La voix d’Andy Warhol, décédé en 1987, sortie d’outre-tombe pour raconter lui-même l’histoire de sa vie dans la série The Andy Warhol diaries sur Netflix, grâce au travail réalisé par Resemble AI, sur la base de seulement trois minutes d’enregistrement vocaux originaux.
Les progrès vertigineux de l’Intelligence Artificielle pour créer ou ressusciter des voix simultanément traduites dans toutes les langues du monde ont fait surgir au sein d’un secteur artistique particulier, celui des « doubleurs » de voix, la question existentielle de la survie de leur métier. Au Québec, où plus de deux mille artistes tirent de cette activité des revenus réguliers voire exclusifs, la menace s’est précisée quand ont fleuri sur le web, des offres proposant contre rémunération de répondre à quelques questions simples « avec l’accent local », et quand, dans les studios de doublage de voix, des caméras 360 ° ont été installées pour filmer les comédiens. « On savait déjà que l’IA avançait à pas de géant et menaçait l’avenir du métier, là on a compris que nous étions également en train de nourrir avec nos données, sonores et visuelles, la bête qui était en train de nous dévorer » explique Tania Kontoyanni, présidente de l’Union des artistes, le plus important syndicat professionnel artistique québécois, fort de quelque 8 450 membres.
Pour sauvegarder les emplois en question, l’organisation professionnelle tente de se mobiliser. Contrairement à l’Union Européenne qui s’est dotée de quelques filets de protection notamment avec le Réglement général sur la protection des données (RGPD) qui permet de ne pas faire n’importe quoi avec les données personnelles récoltées, le Canada vit encore « à l’heure du Far-West ». « Face à la tiédeur des dirigeants politiques à s’emparer du dossier et à établir un cadre juridique protecteur pour tous les artistes menacés par l’IA, nous avons au moins réussi à imposer l’an dernier, une entente collective qui interdit aux studios d’utiliser les performances vocales des artistes qu’ils emploient, pour nourrir leur système d’Intelligence Artificielle » assure Tania Kontoyanni, qui a par ailleurs rejoint le regroupement international « United Voice Artists » en lutte contre le « pillage » des entreprises de la Big Tech.
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